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24.02.2023

Clim AOP Jura : présentation des principaux résultats à l'occasion du salon à la ferme

24.02.2023 -
C'est dans le cadre de l'appel à projets « réponse des filières régionales au changement climatique » lancé par la Région, que les paysan.nes producteurs de lait à Comté de la Confédération paysanne ont initié cette étude. Dans la suite logique des conférences organisées sur la question du changement climatique en 2019, le syndicat, en partenariat avec Interbio, a répondu à l'appel et le projet a été retenu. Il s'intitule « Clim AOP* Jura : la filière lait AOP* du massif du Jura face à l'urgence climatique ». Les principaux résultats ont été présentés lors du Salon à la ferme dans le Jura et dans le Doubs. Vous trouverez ci-dessous le dossier de presse complet.

PRINCIPAUX RESULTATS SUR LE VOLET AGROECOLOGIQUE

Nous avons réalisé 78 audits de performance environnementale sur des fermes volontaires (dont 31 fermes auditées sur 2 années différentes). Notre effort d'échantillonnage s'est porté sur des fermes engagées dans une démarche d'Agriculture paysanne et/ou pratiquant l'Agriculture biologique. 69% des fermes de notre échantillon sont en bio, contre 6 % seulement dans la filière AOP* du massif du Jura. Par ailleurs notre échantillon peut être caractérisé de faiblement intensif, d'après les critères définis par la DRAAF en 2016 (chargement, densité laitière, nombre de litres de lait par vache laitière, consommation de concentrés, recours aux engrais minéraux…). Nous espérions pouvoir compléter notre jeu de données par des audits réalisés par d'autres organisations professionnelles sur des fermes en Agriculture conventionnelle et plus représentatives de la « ferme Comté », mais les principaux contributeurs n'ont pas souhaité partager leurs données pour le moment.

Principaux résultats :

- Sur les 31 fermes auditées à la fois sur les années « comptables » 2019 et 2021, nous n'avons pas décelé « d'effet année » : les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas significativement différentes entre 2019, année de fort déficit hydrique, et 2021 année météorologique favorable.

- Sur ce même échantillon, nous n'avons pas décelé de différence significative des émissions de GES nettes et brutes, entre les fermes en agriculture biologique et les autres fermes. Il ne suffit donc pas d'être en agriculture biologique pour avoir une faible empreinte carbone ! Ce résultat serait néanmoins à vérifier avec un échantillon élargi englobant davantage de fermes conventionnelles plus intensives afin de disposer d'une meilleure représentativité pour les fermes conventionnelles.

- Le meilleur levier pour piéger du carbone est la part de la SAU* en prairies permanentes. Il faut donc les préserver, à la fois pour contribuer à atténuer le changement climatique mais aussi, notamment, pour la biodiversité qu'elles accueillent.

- Les principaux leviers pour diminuer l'émissions de GES sont :

* l'autonomie protéique : moins on a recours aux tourteaux protéiques dans les rations, qui plus est importés de zones de déforestation, moins on contribue au changement climatique. On retrouve également une tendance avec la consommation globale de concentrés qui contribuerait à l'augmentation des émissions de GES. Il semblerait que plus on est efficace sur le rapport entre consommation de concentré et productivité laitière, moins on contribue au changement climatique.

* le niveau de bouclement du cycle de l'azote sur la ferme. Le bilan de l'azote à l'échelle de la ferme permet de regarder tout ce qui entre (concentrés, engrais minéraux, engrais organiques achetés, fixation symbiotique par les légumineuses …) et tout ce qui sort (lait, viande, déjections exportées, cultures de ventes). Tout ce qui n'est pas valorisé sur la ferme (par les animaux et les végétaux) est l'excédent du bilan, en kg d'azote / ha. Cela correspond à un potentiel de pollution, vers les sols, vers l'air et vers l'eau. Au plus on a un bilan apparent des minéraux excédentaire, au plus on contribue également au changement climatique. Ce résultat semble également appuyé par deux autres facteurs qui ressortent en corrélation avec les émissions de GES : les quantités d'azote organique et minéral épandues.

Ce dernier résultat est très intéressant car il signifie que les efforts réalisés par les éleveurs pour diminuer le risque de pollution azotée notamment vers l'eau, contribuent aussi à diminuer l'empreinte carbone de la ferme.

 

PRINCIPAUX RESULTATS DU VOLET SOCIOLOGIQUE

L'Institut Agro Dijon a également contribué à encadrer la réalisation de deux campagnes d'enquêtes sociologiques auprès d'une trentaine de paysan.nes (dont la moitié en conventionnel) et d'entretiens complémentaires auprès de 7 représentants d'organismes de conseil au sens large (conseillers, formateurs, technico-commerciaux).

Nous avons cherché à interviewer des paysans représentatifs de la diversité des situations en filière Comté, notamment en termes de niveau de production laitière, de localisation (altitude) et d'installation (installation dans le cadre familial, hors cadre ou non issu du milieu agricole).

Nous poursuivions plusieurs objectifs :

  • Identifier la diversité des façons de faire et de penser des éleveurs dans un contexte de changement climatique et d'enjeux environnementaux 
  • Comprendre les motivations à faire ainsi et à changer : poids des enjeux climat-environnement au regard d'autres enjeux (économiques, travail…)
  • Identifier les leviers et les freins au développement de pratiques résilientes face au changement climatique et permettant son atténuation
  • Comparer les réseaux de conseil des éleveurs selon leur mode de conduite (AP/AB et conventionnel) et évaluer leur rôle dans les changements de pratiques.

Principaux résultats :

Les éleveurs (sauf 2) disent ressentir les effets du changement climatique (notamment au niveau du fourrage) mais il y a une diversité de façons de faire et de réagir.

DIVERSITE DES PRATIQUES POUR S'ADAPTER AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Eleveurs en bio, en démarche d'Agriculture paysanne ou les deux, interrogés en 2021

Eleveurs en agriculture conventionnelle, interrogés en 2022

- Désintensification de l'élevage :

Diminution du cheptel, de l'élevage de génisses

- Optimisation de l'élevage :

Modifier la période de vêlage, Amélioration génétique du troupeau

- Optimisation des cultures :

Introduction de luzerne (résistance au sec)

 

 

- Re-conception :

Agriculture de conservation des sols

Agroforesterie

- Désintensification de l'élevage :

Diminution de l'élevage de génisses, de la production laitière, du nombre de vaches laitières, des concentrés

- Optimisation de l'élevage :

Avancer l'âge 1er vêlage, renouvellement (achat)

- Leviers sur intrants de culture

Arrêt phytos, engrais chimiques

- Leviers sur conduite des cultures

Travailler sur la gestion de l'herbe, arrêt des céréales

- Re-conception :

Agriculture de conservation des sols

Agroforesterie

Parmi les éleveurs en bio et/ou agriculture paysanne, nous avons identifié 3 types de « trajectoires » :

- Les « non issus du milieu agricoles » qui s'installent en agriculture paysanne pour durer : ils empruntent modérément, ont l'objectif de vivre bien en ajustant l'existant de la ferme aux ressources naturelles disponibles, s'adaptent au changement climatique en vendant des bêtes et construisent leur résilience future en plantant des haies et en assurant leur autonomie fourragère.

- Les bios (en agriculture paysanne ou non) qui recherchent avant tout l'autonomie : installés hors cadre familial ou non issus du milieu agricole, ils se sont installés sur des systèmes ayant permis la conversion en bio. Leur objectif est de faire un produit sain, de respecter l'environnement et de faire avec la nature (pour cela ils se forment et testent des innovations techniques). Ils s'adaptent en cherchant à réduire les charges, ils construisent et maintiennent leur autonomie (culture des prairies, céréales).

- Les éleveurs en agriculture paysanne et bio qui cherchent à maintenir mais aussi à diffuser la résilience : quelle que soit leur origine, ils se sont installés sur de petites fermes et sont engagés depuis longtemps. Leur philosophie est de vivre bien avec peu en limitant la charge de travail, optimiser l'existant et veiller à ne pas surinvestir. Leur choix de limiter la taille de la ferme pour des motivations liées à la baisse des charges, à la préservation de la nature et à la maîtrise de la charge de travail, les rend de fait résilients au changement climatique. Ils continuent de se former et d'innover et s'engagent dans les outils coopératifs.

 

Pour les éleveurs en agriculture conventionnelle, il est intéressant de noter que leurs principales motivations dans les changements de pratiques mises en place sur leurs fermes sont avant tout :

  • Sécuriser le stock fourrager (quantité et qualité), en lien avec le changement climatique
  • Limiter les coûts, les charges, avoir une meilleure rémunération
  • Limiter le temps de travail, sa pénibilité, les contraintes
  • Augmenter/stabiliser la production laitière

Limiter l'impact sur l'environnement et le climat ou assurer l'autonomie pour la ressource en eau ne viennent que bien après, n'étant citées respectivement que par 4 et 3 des 15 fermes enquêtées.

En effet la plupart ont une stratégie réactive et non pro-active face au changement climatique.

Le conseil et les formations jouent un rôle important dans les pratiques et sont des leviers à activer et transformer.

Nous avons constaté que les éleveurs en bio et/ou en agriculture paysanne :

  • Suivent plus régulièrement des formations
  • Sont plus souvent intégrés dans des groupes d'agriculteurs
  • font davantage appel aux Chambres d'Agriculture et au contrôle laitier
  • et moins appel aux technico-commerciaux.

Freins au changement identifiés par les conseillers enquêtés

Propositions de réponse à apporter (Confédération paysanne)

Taux d'investissement élevé dans la filière AOP* Comté

Accompagner les installations en tenant compte de la situation climatique, encadrer les investissements, sanctuariser les subventions d'investissement dans la comptabilité agricole

Découragement des éleveurs

Communiquer sur les impacts positifs des pratiques vertueuses pour le climat et l'environnement

Rémunération élevée

Promouvoir une filière responsable : réinvestir la valeur ajoutée dans des pratiques vertueuses

Conseil « attentiste » : pas d'offre de conseils sur ce qui n'est pas demandé par les paysans !

Former à conseiller « autrement », en anticipant les enjeux climatiques (réseaux de conseillers ? RDV croisés ?)

Freins au changement identifiés par l'analyse des entretiens avec les éleveurs conventionnels

Propositions de réponse à apporter (Confédération paysanne)

Conseil inadapté/ réactif : tentation de la fuite en avant dans le productivisme (par exemple aider les vaches à supporter la chaleur pour produire toujours autant de lait)

Constituer des réseaux de conseillers inter-organismes pour apprendre à conseiller autrement ?

Rémunération élevée

Sur-équipement- sur-endettement

Encadrer les investissements dans les Plans d'entreprises à l'installation ; Former à la gestion et à l'approche globale

Marqueur de réussite prof.

Former autrement, communiquer sur la qualité de vie et de travail

Transmission et Gaec

*

Préparer la transmission

Travailler sur relations dans les GAEC

 

Leviers facilitant le changement identifiés par l'analyse des entretiens avec les éleveurs conventionnels

Propositions d'actions à mettre en place (Confédération paysanne)

Echanges entre pairs (GIE, GEDA, Fruitière, CUMA)

Inciter à rejoindre des groupes existants ; les CUMA peuvent être des lieux importants

Coût élevés des intrants

Former à la gestion / comptabilité et à l'approche globale

Pression sociétale / familiale

Créer un contexte de dialogue avec la société civile

 


En téléchargement :

    voir le dossier de presse
NOUS CONTACTER Confédération Paysanne de Bourgogne-Franche-Comté
Maison de l'Agriculture 1 rue des Coulots 21110 BRETENIERE, 06 31 59 85 38, bfc[at]confederationpaysanne.fr